Parceque sous l'étoile du shérif... Un coeur bat... Hurk hurk hurk...

Comme Flytrap est partie, Jango a les nerfs. Mais Jango ne boit pas de Gin dans sa Chrysler.

Prend TOUTES tes responsabilités, vieux salopard... Les stocks, les vivres, la défense... La Meryl malade... Et l'autre salope qui a embarqué Peste dans son aventure... Tu tireras pas ton coup ce soir coco. Tout ça, il y pense le vieux shérif; alors il boit un coup de cet abondant et délicieux tord boyaux, tout en se séguant dans le tiroir de son bureau.

Et il pousse, l'affreux justicier ! Il pousse au foutre, tire sur sa nouille, brâme, tire, branle, gueule, boit ! Une giclée vengeresse, une enfoutrade superbe; les spermatozoïde du demeuré foncent, bille en tête, et vont s'écraser sur le bureau... Tant mieux, ils contamineront personne ceux là. Soulagé, le coeur presque léger, il essuie le foutre sur la table d'un revers de main, se mouche dans ses doigts, et sort sur le perron.

Les bourses et la bouteille vidées, il s'en va en direction d'un vieux cabanon en ruines; sans doute l'ancienne cabane du chef des mineurs, au vu de la taille un peu plus imposante de la bâtisse... Il défonce la porte, légèrement ivre, et s'approche d'une couchette, presque cachée dans la pénombre.

Il craque une allumette, et allume la vieille lampe à pétrole près du plumard de fortune. La faible lueur éclaire le visage tout pâlot de la résidente des lieux: la petite Meryl.

"Hé alors mignonne? Hurk hurk hurk... J'avons bien essayé d'composer le 15, mais les urgences répondons pas, et tata Flytrap s'étont absentée. T'avons pas d'chance, c'est papy Jango qu'allons essayer d'te r'fout' sur pieds..."

Refoutre sur pieds: un terme bien choisi; en effet, le pied de la gamine avait doublé de volume... Le petit machin rose puant était devenu un énorme machin violacé encore plus puant, sur lequel s'agitaient dix orteils tout noirs et sclérosés... En un mot: fientesque.

L'infâme passe sa main sur le front de la gosse. Il grimace; on aurait pu casser des oeufs sur le crâne vide de la gamine, que ça en aurait fait des omelettes. Alors il entame le combat contre la fièvre, le héros de l'orpheline. Il décroche la gourde de son ceinturon, redresse un peu la Meryl, et présente le goulot à ses lèvres.

"Tiens, boivons ça... Si ça fait pas partir la fièvre, au moins t'oublierons qu't'avons mal aux panards."

Pas de ricannements débiles, pour une fois. Il se contente de verser l'alcool dans le museau de la miss... Et généreusement s'il vous plait !

(HRP: Réponse de Marieke)



- C'est du venin. Elle va mourir.

Petite voix. Et pour cause, petite môme. Petite voix, mais grands yeux. Gris, limpides, naïfs. Et fixés attentivement sur ce qui a été un jour un pied.

Marieke se tenait sur le pas de la porte, la tête un peu de côté, une main froissant le bas de son tee-shirt et l'autre pendant librement à côté. Ignorant superbement le vieux débris qui tente de soulager un peu sa petite en l'abrutissant à grands coups de gnôle.


Deux heures qu'elle cherche sa Peste, la gosse. Deux heures qu'elle tourne dans la Cour, pour la trouver. Elle a demandé à tous ceux qu'elle a croisés. Même aux rats qui se sont enfuits à son approche dans la réserve de nourriture. Mais eux, pas plus que les autres, lui ont répondu.
Alors quand elle a été sûre que sa Peste n'était pas dans le camp, elle a attendu, la Marieke. Devant la grand'porte. Comme un brave toutou fidèle. Sûre qu'elle allait revenir. Et s'est mise à chantonner toute seule, assise, les yeux fixés sur le battant de la porte, se balançant doucement d'avant en arrière.

Et puis elle a vu passer le vieux. Le shérif du groupe, de ce qu'elle avait compris en arrivant. Peut-être que lui il savait où elle était, sa Peste. Oh oui. Sûrement. Il devait le savoir.
Alors elle avait levé ses petites fesses de môme et elle avait trottiné derrière lui.
Pour découvrir le tableau angélique du vieux beau et de sa gosse fiévreuse.


Marieke entra dans la pièce et s'agenouilla religieusement devant le membre malade.
Dans son champ de vision comme dans sa tête, il n'y avait que le pied de Méryl, un espèce de tas de chair noirâtre et gonflé, à la peau violacée et hyper tendue. Elle approcha ses grands yeux gris pour mieux le détailler. Une ligne rouge commençait à en partir et à monter au dessus de la cheville. Elle savait ça. Hein, oui, elle savait. Papa lui avait montré ça déja.

Elle se mit à chantonner, les yeux mis clos, avec un petit sourire aux lèvres.

- I wish I have an agel for one moment of love... Chuu-u-u-t. ne bouge pas petit oiseau... Je vais te rendre tes ailes...

Elle avisa un tesson de verre dans un coin.
- Scalpel.

Ignorant les plaintes de sa patiente, elle fit une rapide petite entaille sur la chair tuméfiée. Un mélange de pus et de sang en jaillit, que la gosse considéra d'un oeil attentif. Puis elle entama un dialogue imaginaire.

- C'est bien, hein, papa. Oui c'est bien, mais c'est pas assez. Tu sais bien ce qui faut. Oui, faut tout enlever de là, tout enlever. Tu sais, le Rex, on avait pas tout bien enlevé. Oui papa, qu'on a du lui couper, la patte, même. Faut pas recommencer ici, ça non. Et tu sais comment faut enlever, hein. Oui, papa.

Prenant délicatement le pied, Marieke approcha sa petite bouche souriante de l'entaille... et l'y pose... lèvres de visage contre lèvres de plaie... Et elle fait ce qu'elle a à faire, la gosse... elle aspire... Elle accueille en sa bouche la saloperie noirâtre qui abondait dans les chairs de la Méryl... elle pompe tout ce qu'elle peut du mélange de pus et de sang noir, jusqu'à en avoir la nausée... Alors elle recrache le tout à côté... Et elle y retourne, Marieke, vers la plaie... consciencieusement. Elle y retourne. Nouveaux ballets des lèvres, nouvelles aspirations, nouveau haut de coeur. Nouveau crachat. Et elle y retourne encore. Elle va devoir faire vite, Marieke. Oui papa. Elle sent déja sa langue commencer à gonfler sous le contact prolongé du venin. Plus vite, Marieke. Oui papa.

Alors elle accélère, la môme. Dans un ballet effroyable, elle suce ce pied immonde suintant la mort, dans un va et vient permanent de son visage, ignorant les plaintes et les mouvements saccadés de la patiente... un ballet presque obscène, qui vient s'achever dans un ultime haut de coeur, un ultime crachat, une ultime plainte...


Elle est essoufflée, la Marieke. Elle n'en peut plus. Elle regarde le shérif réellement pour la première fois, avec ses grands yeux gris de môme.
- Faut désinvecter, baintenant. Et veiller bour la vièvre.

Elle a la tête qui tourne un peu, Marieke. Sa bouche est toute gonflée par le poison, sa langue aussi. Mais ça devrait aller, hein papa? Oui ma chérie. Alors elle s'adosse au mur, et elle ferme les yeux. Bravo ma chérie. Merci papa.

Bon Dieu d'merde, d'où elle sort celle là? La petite copine à Peste, il l'avait presque oubliée... Pas bavarde la gamine... Qu'est ce qu'elle venait foutre là? Le vieux demeuré avait pas eu le temps de se lever pour lui foutre une branlée et la faire dégager, qu'elle s'était foutue à genoux, devant le pied purulent, et avait commencé à sucer, aspirer, crachoter le poison qui bouffait la gosse.

Alors il avait laissé faire, le shérif Jango. Il ne s'était pas levé pour fracasser la tronche de l'intruse à coups de batte... Signe que ma foi, il était pas vraiment dans son assiette quand il examinait pas d'un moment l'état des vivres avec la sadique de Flytrap... Ou signe tout simplement qu'il avait pité qu'il vallait rien en médecine, et qu'un coup de main serait pas superflu... Et puis bon, vallait mieux que quelqu'un d'autre que lui aille sucer... Ca...

Il l'avait regardée faire. Visiblement, elle était experte dans ce genre de choses, la greluche... Et de la voir aspirer, puis crachoter... On se refait pas, le vieux demeuré commençait, une fois de plus, à bander comme un âne... L'hyper sensibilité, tout ça...

"Ben dis donc toi... T'aurions été avaleuse de sabre dans une autre vie qu'ça s'rions pas un hasard."

La remarque reste sans réponse, la demeurée balbutie on ne sait trop quoi sur un papa, une patte, et allez savoir quoi encore. Elle doit avoir fini. Et là, forcément, l'état de sa bouche fait immédiatement débander le vieux salopard... Heurk... Elle parle de désinfecter. Ca il connaît. Ni une ni deux, il verse un peu du tord boyaux sur le pied de sa petite fille adoptive.

Puis, toujours agenouillé devant sa gosse, il tourne la tête vers la deuxième môme... Décidément, cette foutue Cour devenait un putain de jardin d'enfant.

"Bois ça. Pas tout."

Il tend la gourde.

Fiévreuse notre Meryl...oh ça oui alors!
Cloitrée depuis deux lunes entre quatre murs, elle est pas ravie. Enfin c'est à dire pas ravie, quand elle a l'occasion de se rendre compte de son état.
Et c'est pas souvent à dire vrai.
Parce que la majeure partie du temps, c'est fièvre, délire, tremblements, et j'me pisse au froc!

Punaise, elle pue la Meryl...plus que jamais! D'ailleurs, ça fait deux lunes que baignée dans sa sueur et dans sa pisse, elle se rend plus bien compte qu'elle pue des pieds.

Parlons-en du pied d'ailleurs!Il gonfle, il gonfle...mais et les seins??!!!
Con de serpent, il a vraiment mal choisi son endroit.
Une saleté de créature, définitivement...

Elle se demande si elle va mourir la Meryl, elle a pas spécialement envie a vrai dire. Mais là, personne n'a l'air de savoir quoi faire pour elle.
Les adultes...un tas de cons, apparemment, on ne peut pas s'y fier non plus.

Sauf tata Vénus bien sûr, et papy Jango.

Le voilà l'heureux grand-père d'ailleurs, qui vient prendre soin de sa petite-fille. Évidemment, lui seul peut entrer en ces lieux putrides, car lui seul dégage une odeur sinon pire, au moins aussi forte.
Il a pas l'air rassuré le vieux, et ça ne la rassure pas la gamine.
Elle le regarde sous la buée qui obstrue ses pupilles. Il tend quelque chose, lui donne à boire.
Rien d'abord...puis une sale brûlure! Oh ça oui alors! Elle embrase le fond de la gorge, roule dans l'œsophage, et vient foutre un bordel pas croyable dans cet enchevêtrement d'entrailles qu'on sait pas trop bien ce qui sert à quoi si on est pas un professionnel de santé, dûment formé. Puis la vessie enfin, et Meryl pisse le feu.


C'est ce moment que choisit la dénommée Marieke, pour interrompre ce charmant échange familial. Meryl tente de lancer un regard à son Papy qui voudrait dire "mais qu'est ce que c'est encore que cette conne?". Hélas, c'est à peine si elle parvient à tourner vers lui des yeux vitreux, et le vieux ne fait pas mine de virer la nouvelle venue à coups de pieds au cul, comme il le ferait en temps normal.

La gosse observe donc l'importune. Sacré coup de stress quand elle la voit approcher un scalpel de son pied moribond -et elle pisse de plus belle du coup. Puis elle repart dans un de ses délires enfiévrés.
Cette fois, elle y voit une espèce de pétasse vaguement gothique, en train de s'acharner à lui sucer le pied.
Ça dure, ça dure, et Meryl est bien gênée.
Heureusement, la réalité fait son retour, et l'image redevient vaguement floue. Elle distingue à nouveau son Papy. La bizarre aussi est toujours là.


Putain Papy, j'ai vraiment cru que cette conasse allait me couper le pied.
Tiens, j'ai envie de faire pipi.

Marieke reprend son souffle. Meryl reprend des couleurs. Jango reprend sa gourde. La gosse à l'air d'aller légèrement mieux... Pour sûr elle pue toujours autant, mais les quelques couleurs sont là... Elle peut même se payer le luxe de raconter des conneries, tout en s'urinant dessus. Et vautrée dans sa pisse, elle se repose.

Un papy modèle, lui, aurait changé, si ce n'est les vêtements de la gamine, au moins les draps crasseux qui la recouvrent. Mais le vieux dégueulasse... C'est un papy post apo. Alors il laisse la gamine mariner dans son jus, en s'offrant une lampée de gnôle. La récompense des justes. Il l'a bien méritée, selon lui. Il boit, toussote: le jus d'éthanol lui coule sur les babines, lui empêgue la moustache... Bref... Le héros doit être soulagé. Sans regarder la deuxième gosse, il lâche:

"C'étons ma p'tite fille. Elle étons intelligente. Plus intelligente que moi en tout cas... Elle faisons des études avec mam'zelle Flytrap."


Il rote...


"J'savons pas des études de quoi. Mais j'sommes bien fier."


Il se relève, nettoie un peu ses moustaches, avec ses doigts, et se barre.