One minute in the dream world

Le huit clos oppressant des sous-terrains fangeux, souvenir poisseux s'il en est, restera des jours et des jours, à n'en pas douter, dans le crâne intoxiquée de l'entomophage. De ceux qui vous collent un cafard monstre ou, pis, viennent altérer votre condition physique tant que vous ne les avez pas chassés ou délaissés aux orties de la coercition.

...

Les plus petits et les moins agiles étaient passés en priorité, car, même si la troupe regroupait un amas hétéroclites de foudroyés du bulbe et d'handicapés sociaux, elle n'en était pas moins dénuée d'une certaine organisation. Un enchevêtrement d'échelles tordues, d'escalade précaire, de gravas insolents rendait la tâche particulièrement laborieuse. Les autres survivants avaient du pâtir de la malsaine agitation "vénusienne". Elle n'avait pas cessé de soupirer, de râler au moindre accrocs quand un pied glissait et manquait de faire tomber un individu sur le reste du groupe, de se gratter nerveusement les avants bras déjà couturés d'une myriade d'horreurs organiques...
Et enfin, ils y étaient arrivés, miraculés parmi les miraculés, grappe difforme de pucerons agités au milieu du marasme urbain sans dessus dessous.

Flytrap, blafarde, les poches des yeux chargées d'une encre toute maladive, ne partagea pour rien au monde le moment de repos et d'exploration dans les miettes de la civilisation. Elle fila en courant vers une liberté relative enfin retrouvée, obligeant au passage Braquenoard de lui servir de porteur quand ils se décideraient enfin à lever le camp. Au loin, on avait donc pu la voir crapahuter sans relâche, s'écorcher les genoux sur les prémices d'une falaise au gigantisme effrayant, sauter de rocher en rocher, là, juste au dessus du vide, à une bonne trentaine de mètres du sol fatidique.

Enfin, les héros damnés avaient repris la route peu avant la levée du jour. Au devant, leur regard pouvait suivre la flamme gourmande trônant au bout des torches de Jango et de l'entomophage. De côté les berçait la montagne hautaine, la roche menaçante. En haut, le ciel semblait se charger de mauvaises intentions, parant sa toile d'une nébuleuse annonciatrice de pluies acides. Le jour s'était levé péniblement, comme pourvu d'une méchante gueule de bois. La matinée n'en finissait plus, une minute semblable à l'autre dans le brouillard nuageux où l'humidité guettait sournoisement le moment propice pour déverser son torrent de tous les diables.
Quand le moment vint d'apaiser et de sustenter les corps, ils montèrent à la hâte le semblant de campement dont ils avaient tant l'habitude, fait de toiles en lambeaux, de bâches râpées et rongées par la vermine, d'assises métalliques éphémères en guise de piquets de tente. De ce qui se rapprochait le plus d'un camp de sdf misérable, de ce que des gitans prendraient pour une hérésie impensable. Pas d'antenne sur le toit de la caravane et de Mercedes d'occasion, non...


Et le déluge d'arriver, tout en artifice d'éjaculations électriques, de grognements moribonds, de gouttes sentant déjà mauvais avant même d'atteindre le sable. Et la Déesse Purulente de se jeter dans le maelstrom, exposant vers le ciel son triste épiderme fané, à la teinte grossière du beurre rance, au goût de poussière et de lait éventé...
Derrière les cils insolents, les noires orbites toisaient le reste de la maudite cohorte, protégée sous les saillies improbables, leur tissu gonflé comme d'infâmes serpillières. Mais, à mesure que la douche perlait abondamment sur chaque centimètres de l'anatomie crue, nourrissant ses cheveux gras collés à ses malingres omoplates, réduisant la crasse à de petits paquets noirâtres roulant le long de ses jambes, on pouvait voir que le sourire de la bête était celui du bonheur. Enfin.